On a volé la Joconde


Le Louvre est le plus riche musée artistique du monde. Parmi tant de chefs-d'œuvre exposés dans ses salles, une place de choix est réservée à la Joconde. Peinte par le grand maître italien Léonard de Vinci, vers l’an 1500, la célèbre Monna Lisa garde dans son sourire ambigu quelque chose du mystère de ses origines.

Le 22 août 1911, à 7 heures du matin, deux balayeurs sont à l’ouvrage dans la salle où le chef-d'œuvre est exposé. Comme chaque jour, mus sans doute par une attraction irréversible, ils lèvent les yeux : Monna leur sourit dans son cadre. Avec regret, ils détachent leurs regards : le travail les attend.

Le même jour, alors que 9 heures sonnent à la grosse horloge du Louvre, le peintre Louis Béroud pénètre dans le musée, un carton à dessin sous le bras : il vient se livrer à l’étude de certains tableaux de la Renaissance italienne. C’est un habitué. Il se dirige droit vers l’emplacement de la Joconde. Mais, stupeur : le tableau a disparu ! Contrarié, il pense que la toile a changé de place pour une raison ou pour une autre. Plus irrité qu’inquiet, Béroud s’adresse au gardien de service : « Excusez-moi, savez-vous où est la Joconde ? » « La Joconde ? Mais, à sa place ! » « Non ! Elle n’y est plus ! ». Le gardien se précipite à son tour dans la salle. Il doit se rendre à l’évidence : entre la Sainte Catherine de Corrège et l’allégorie du Titien, la place est vide. Cette place où depuis tant d’année souriait Monna Lisa, la femme la plus célèbre du monde ! Affolé, le gardien ferme donne l’alarme ; on ferme les grilles du Louvre et l’on entreprend les recherches.

L’enquête commence. La police multiplie les interrogatoires. La presse se déchaîne et réclame que l’on prenne d’urgence les mesures nécessaires pour que le précieux chef-d'œuvre ne passe pas la frontière. Il n’a fallu que deux heures pour subtiliser la Joconde et plus de deux ans s’écouleront avant que ne soient retrouvés le voleur et le tableau. Toutes les pistes sur lesquelles se lancent les policiers s’effondrent les unes après les autres. L’enquête piétine tandis que les autorités craignent que, pris de panique, le voleur n’ait détruit le chef-d'œuvre de Léonard de Vinci. Deux années s’écoulent ainsi, mais voici qu’à l’automne 1913, un antiquaire italien, Alfredo Geri, entreprend d’organiser à Florence une exposition d'œuvre d’art. Il se déclare prêt à acquérir entre autres des tableaux anciens et donne une large publicité à son intention. Parmi les propositions qu’il reçoit, une lettre éveille ses soupçons : elle est signée par Vincenzo Léonardi et elle vient de Paris. L’auteur de cette lettre prétend qu’il est en mesure de lui céder ... la Joconde. D’accord avec monsieur Poggi, Directeur du Musée des Offices, l’antiquaire décide d’inviter Léonardi à Florence. Dès l’arrivée du mystérieux voyageur, les deux italiens se précipitent à l’hôtel où il est descendu. Léonardi ne fait pas de difficultés à leur montrer sa toile. C’est bien la Joconde qu’ils ont sous les yeux. Une demi-heure plus tard, le voleur, qui s’appelle en réalité Vincenzo Perrugia, est arrêté. C’est un miroitier qui avait travaillé au Louvres !

A l’interrogatoire, il révélera qu’il s’était laissé volontairement enfermer dans le musée au soir du 21 août 1911 pour voler la Joconde, et que ce faisant, il avait seulement cherché à réparer ce qui, à ses yeux était une injustice. La Joconde avait vu le jour en Italie et c’est à l’Italie qu’elle appartenait. Il avait donc voulu la lui rendre ! Perrugia oubliait que Léonard de Vinci l’avait vendue à François Ier, roi de France, le plus normalement du monde...

Le 20 décembre 1913, Monna Lisa reprenait sa place au Louvre : sa mésaventure n’avait pas altéré la sérénité de son sourire.